13.
Pendant quinze ans, j’ai voyagé avec Zurvan. J’obéissais à ses ordres. Il était riche et souhaitait voyager comme un simple mortel ; aussi avons-nous pris le bateau pour aller en Égypte, pour regagner Athènes et découvrir les villes qu’il avait visitées dans sa jeunesse et désespérait de jamais revoir.
Il laissa rarement paraître qu’il était magicien, mais il lui arriva d’être reconnu par quelqu’un doué de seconde vue. Lorsqu’on l’appelait au chevet d’un malade, il faisait tout pour le guérir. Partout où nous allions, il achetait, me faisait emprunter ou voler des tablettes et des manuscrits traitant de magie. Il les étudiait, me les lisait et me les faisait apprendre – ses lectures renforçaient sa conviction selon laquelle toutes les formes de magie étaient plus ou moins semblables.
Quelle bénédiction que de se rappeler ces années avec une telle clarté ! En effet, du temps qui s’est écoulé entre sa mort et l’époque présente, je n’ai que très peu de souvenirs. Après la mort de Zurvan, je me réveillais parfois amnésique, il m’arrivait de servir mes maîtres par pur ennui, je m’amusais à les regarder attirer la destruction sur eux-mêmes. Je leur ai même dérobé les ossements pour les porter à un autre. Mais tout cela est flou, insignifiant.
Zurvan avait raison. Je me protégeais de la douleur et de la souffrance par l’oubli. L’oubli est propre aux esprits. La chair, le sang, les besoins du corps inspirent la mémoire d’un homme. Lorsqu’on en est totalement privé, il peut être doux de sombrer dans l’oubli.
Zurvan fabriqua une urne mieux adaptée aux ossements. Il choisit un bois très résistant, recouvrit d’or l’intérieur et l’extérieur et y ménagea un espace tel que les os puissent y reposer en position fœtale. Il le fit ouvrager par des menuisiers car le travail de ses esprits familiers n’était pas précis. Ceux qui connaissent le monde matériel le respectent mieux dans leur travail, déclarait-il.
Sur ce coffret rectangulaire juste assez long pour contenir mon squelette il grava le nom de ce que j’étais et celui auquel je répondais. Il ajouta un avertissement solennel pour que jamais on ne m’utilise à des fins maléfiques, sous peine de voir le mal s’abattre sur soi. Il inscrivit également une mise en garde contre la destruction de mes ossements, qui détruirait également toute possibilité de me contrôler.
Il écrivit cela sous forme de poésie incantatoire en de nombreux langages. Il marqua également mon cercueil d’un signe hébreu qui symbolise la vie.
Le pressentiment qui l’avait poussé à accomplir cette tâche très rapidement se révéla précieux, car la mort le prit par surprise. Il est mort dans son sommeil. Je n’ai été appelé que lorsque sa maison de Syracuse fut dévalisée par des villageois qui le savaient sans famille proche et ne le craignaient pas. Comme aucun démon ne gardait son corps, ils ont pillé la maison, trouvé le coffret, et parlé des ossements. Alors, je me suis réveillé.
Je les ai massacrés, tous, jusqu’au plus petit enfant qui fouillait parmi les vêtements de Zurvan. Je les ai tous tués. Cette nuit-là, les villageois ont brûlé la maison du mage dans l’espoir d’en chasser le mal. J’en ai été heureux car je savais que Zurvan, grec de naissance malgré son choix de n’avoir ni nation ni tribu, souhaitait que son corps fût brûlé.
J’ai regagné Milet, puis repris le chemin de Babylone. Je ne sais plus pourquoi. Le deuil de Zurvan m’accablait. Je souffrais nuit et jour, invisible, fait de chair, et redoutant de rentrer dans les os par crainte de ne plus en sortir. Je traînais avec moi mon cercueil dans les sables du désert.
J’ai fini par arriver dans une ville de Babylonie, mais je me sentais repoussé par elle et envahi par la haine. Je souffrais à chaque pas. Rien ne ressuscitait en moi le moindre souvenir, mais j’éprouvais un sentiment pénible. Je suis reparti peu de temps après pour me rendre à Athènes, la ville natale de Zurvan. J’y ai découvert une petite maison, où j’ai creusé une cachette pour les ossements, très profondément. Et j’y suis rentré. Tout est devenu noir.
Beaucoup plus tard, à mon réveil, je ne conservai que de vagues souvenirs de Zurvan, mais ses leçons étaient inscrites dans ma mémoire. C’était un autre siècle. Peut-être la clé de ma rébellion ultérieure tient-elle dans le souvenir de ces leçons et dans le fait que j’en abominais la perversion.
Je fus appelé à Athènes, où étaient entrés les soldats de Philippe II de Macédoine après avoir vaincu les Grecs, et où Philippe le Barbare se livrait au pillage. C’est ainsi que mes ossements furent déterrés.
Je parus sous la tente d’un magicien macédonien. Nous demeurâmes aussi stupéfaits l’un que l’autre de nous retrouver face à face. Je ne me rappelle à peu près rien de lui. Mais je me rappelle la qualité vibrante du monde, le plaisir d’être solide à nouveau, de goûter l’eau, de vouloir vivre et respirer. Je dissimulais ma grande force à ce maître, me contentant d’obéir en silence à ses ordres sots et mesquins. C’était un petit magicien.
Je suis passé de magicien en magicien. Mon souvenir suivant n’est distinct que parce que Gregory Belkin l’a réveillé en moi… j’étais à Babylone lorsque mourut Alexandre le Grand. Pourquoi y étais-je ? Qui servais-je ? Je l’ignore. Je me souviens de m’être habillé, et d’avoir emprunté la forme d’un des soldats d’Alexandre afin de pouvoir passer devant son lit. Je l’ai vu signaler de la main qu’il mourait.
Je me rappelle Alexandre étendu sur son lit, brillant d’une aura aussi lumineuse que celle de Cyrus le Perse. Même mourant, il était beau et étrangement vif. Il se regardait mourir sans lutter. Aucun acharnement à vivre. Comme si la fin s’imposait à lui. Il n’a pas dû comprendre que j’étais un esprit, car j’étais solide et bien complet. Je me souviens cependant d’être retourné auprès de mon maître d’alors pour lui affirmer : « Le conquérant du monde est mourant. » Il me semble que ce maître-là était un vieux Grec, et qu’il pleura. Je me souviens de l’avoir entouré de mon bras pour le réconforter.
Je ne m’en rappellerais pas tant si Gregory n’avait pas déclaré avec tant de passion, à New York, qu’Alexandre était le seul homme à avoir changé la face du monde.
Je pourrais m’efforcer de retrouver d’autres maîtres… sortir des miettes et des bribes du chaudron de la mémoire. Mais aucune dignité, aucune magie ni aucune grandeur ne m’incite à le faire. J’étais un garçon de courses, un esprit qu’on envoyait espionner, voler, parfois même tuer. Je m’en souviens. Tuer. Je n’ai pas le souvenir d’en avoir éprouvé des remords, ni, d’ailleurs, d’avoir servi un maître totalement mauvais. Je me rappelle fort bien avoir tué deux de mes maîtres parce qu’ils étaient malfaisants.
Mais tout cela est flou, comme je vous l’ai dit. Je me rappelle en revanche très clairement mon dernier maître. Son souvenir m’est revenu il y a quelques semaines, à mon réveil dans les rues froides de New York. J’assistais au meurtre d’Esther Belkin lorsque je me suis souvenu de lui, mon dernier maître, Samuel de Strasbourg – ainsi nommé en l’honneur du prophète.
Samuel était un notable et un magicien juif de Strasbourg. Je l’aimais, ainsi que ses cinq ravissantes filles. Cependant je ne me souviens plus que des derniers jours, dans la ville terrorisée par la peste noire. Les notables chrétiens nous informèrent que nous, les Juifs, allions être chassés de la ville car les autorités locales étaient impuissantes à nous protéger de la vindicte populaire.
Je revois encore la dernière nuit. Il ne restait plus que Samuel dans la maison. Ses cinq filles avaient été discrètement mises à l’abri hors de Strasbourg. Nous étions tous deux assis dans la salle principale de sa maison, une maison opulente, ajouterai-je. Il m’annonça que rien ne pourrait le convaincre de fuir la foule déchaînée. Quantité de Juifs allaient être obligés de subir ce qui se préparait, et Samuel, à ma surprise, avait décidé de rester, au cas où un membre de sa communauté aurait besoin de lui dans les derniers moments.
Éperdu, les poings serrés, je sortis en courant. Je revins lui annoncer que le quartier était cerné, et que tous les habitants allaient être brûlés.
Ni l’histoire du monde ni Samuel ne m’étaient étrangers. L’essence de cet homme m’apparaissait aussi clairement alors que maintenant : je lui avais procuré de l’or à profusion, j’avais espionné ses relations d’affaires, j’avais été la source de son immense fortune, mais jamais – jamais – je n’avais eu à tuer pour lui. Jamais il n’avait envisagé chose aussi brutale. C’était un marchand juif, un banquier, un savant aimé et respecté de la communauté des chrétiens pour ses bons taux d’intérêt et sa sagesse face au règlement d’une dette. Un homme bon ? Oui, matérialiste, légèrement mystique. Et voilà que, dans sa maison cernée par le feu, dans cette ville de Strasbourg transformée pour nous en enfer, il refusait de partir !
— Il reste encore des moyens de quitter cette ville, insistai-je. Je peux te conduire !
En effet, des souterrains, creusés sous sa maison du quartier juif, menaient hors des murs de la ville. Ils étaient anciens, mais nous les connaissions. J’aurais pu le guider. Ou l’emporter par les airs, invisible.
— Maître, que vas-tu faire ? Les laisser te tuer ? T’arracher les membres ? Le feu te prendra en tenaille par les deux extrémités de la rue. Ou bien ils viendront et te dépouilleront de tes bagues et de tes robes avant de te tuer. Maître, pourquoi choisis-tu la mort ?
Il m’avait répété vingt fois de me taire et de retourner dans les ossements, en vain. Finalement, je déclarai :
— Je ne te laisserai pas mourir. Je vais t’emmener, avec les ossements !
— Azriel ! cria-t-il. Nous avons le temps, calme-toi !
Il posa soigneusement ses livres, un volume de son Talmud bien-aimé et ses traités de la kabbale, d’où provenait l’essentiel de sa magie, puis il attendit, l’œil sur la porte.
— Maître, demandai-je. J’en garde aujourd’hui encore un souvenir délicieux. Maître, et moi ? Que va-t-il m’arriver ? Trouvera-t-on les os sans leur coffret ? Où dois-je aller, maître ?
Jamais je n’avais posé une question aussi égoïste. La surprise apparut clairement sur son visage. Il sortit de sa rêverie et me regarda.
— Maître, le jour de ta mort, emporteras-tu mon esprit avec toi ? Emmèneras-tu ton fidèle serviteur dans la lumière ?
— Oh, Azriel, répondit-il d’une voix désespérée. Qu’est-ce qui a bien pu te donner une idée pareille, pauvre esprit stupide. Que crois-tu être ?
L’expression de son visage et le ton de sa voix déchaînèrent ma fureur.
— Maître, tu m’abandonnes aux cendres, aux pillards ! m’écriai-je. Ne peux-tu pas me prendre par la main quand ils te tueront et m’emmener avec toi ? Depuis trente ans, je te sers, je t’ai rendu riche, et tes filles aussi. Maître ! si tu me laisses ici, le coffret risque de brûler, les os risquent de brûler. Qu’arrivera-t-il ?
Il paraissait ébahi et honteux. À cet instant, la porte de la maison s’ouvrit et deux marchands chrétiens très bien habillés entrèrent dans la pièce. Ils semblaient très inquiets.
— Nous devons faire vite, Samuel. Ils allument des feux près des murs, ils tuent les Juifs. Nous ne pouvons pas vous aider à fuir.
— Vous l’ai-je demandé ? répliqua Samuel d’un ton méprisant. Prouvez-moi que mes filles sont à l’abri.
Ils lui remirent une lettre. Je vis qu’elle provenait d’un prêteur de confiance, qui vivait en un lieu sûr, en Italie ; elle confirmait l’arrivée de ses filles, décrivait la couleur de leurs robes et leur coiffure, répétait le mot secret que le père avait exigé de chacune.
Les deux chrétiens étaient terrifiés.
— Nous devons partir, Samuel. Si vous êtes décidé à mourir ici, où est le coffret ?
À ces mots je fus stupéfait. Je compris bien vite que j’avais été échangé contre le salut des cinq filles ! Aucun de ces deux hommes ne pouvait me voir, mais ils aperçurent le coffret de mes ossements, bien en vue avec les livres de la kabbale. Ils l’ouvrirent.
— Maître, lui dis-je d’une voix secrète. Tu ne peux pas me donner à ces hommes ! Ce sont des chrétiens. Ce ne sont pas des magiciens. Ce ne sont pas de grands hommes.
Samuel, toujours ébahi, me dévisagea.
— Grands ? Quand t’ai-je dit que j’étais grand ou même bon, Azriel ? Quand me l’as-tu demandé ?
— Au nom du Dieu éternel des Armées, dis-je. J’ai fait ce qui était bon pour toi, pour ta famille, pour tes aînés, pour ta synagogue. Samuel ! Comment me traites-tu !
Les deux chrétiens refermèrent le coffret.
— Adieu, Samuel, dirent-ils.
Serrant le coffret sur leur cœur, ils se hâtèrent de sortir. Je voyais le feu. Je le sentais. J’entendais les gens hurler.
Je lui criai des insultes :
— Tu es un homme malfaisant ! Tu crois que Dieu te pardonnera parce que le feu te purifie, et tu m’as vendu pour de l’or !
— Pour mes filles, Azriel. Tu n’as trouvé une voix puissante que trop près de la fin.
— La fin de quoi ?
Je le savais. Je sentais l’appel des autres, ceux qui avaient mis la main sur les ossements. Ils avaient déjà franchi les portes de la ville. La haine et le mépris bouillaient en moi. Leurs appels me tentaient !
Je m’approchai de Samuel.
— Non, esprit ! Obéis-moi, rentre dans les os. Obéis comme tu l’as toujours fait. Laisse-moi à mon martyre.
L’appel me parvint à nouveau. Je ne pouvais plus retenir ma forme. La colère montait en moi et mon corps se dissolvait. Dans ma fureur, j’avais trop perdu. Les voix qui m’appelaient étaient fortes. Elles s’éloignaient, mais restaient fortes.
Je m’élançai sur Samuel et le jetai dehors, par la porte ouverte. La rue n’était plus qu’un brasier.
— Voilà ton martyre, rabbi ! hurlai-je. Je te maudis ! Erre parmi les morts-vivants pendant toute ton existence, jusqu’à ce que Dieu te pardonne le mal que tu m’as fait, en m’abandonnant, en me troquant, en m’encourageant à t’aimer, et en me vendant comme de l’or !
De toutes parts des gens terrifiés accouraient vers lui, éperdus d’angoisse.
— Samuel ! Samuel !
Mon amertume disparut lorsque je vis comme il les étreignait.
— Samuel ! criai-je aussi en m’avançant vers lui. Je faiblissais, mais j’étais encore visible pour lui. Prends-moi par la main, Samuel, je t’en prie. Emmène-moi avec toi dans la mort.
Il ne répondit rien. La foule l’entourait, s’agrippait à lui en sanglotant. J’entendis sa dernière pensée, tandis qu’il me repoussait en détournant les yeux.
— Non, esprit, car si je meurs avec ma main dans la tienne, tu risques de m’entraîner en enfer.
Je proférai alors une malédiction.
Les flammes engloutirent la foule. Je m’élevai par-delà le feu et la fumée. Je sentis la nuit froide me parcourir tandis que je me précipitais vers le sanctuaire des ossements. Je fuyais la fumée, l’horreur, l’injustice et les hurlements des innocents. Je traversai les bois sombres comme une sorcière courant au sabbat. Je vis alors deux chrétiens à la porte d’une petite église, loin de la ville, avec le coffret posé par terre entre eux deux, ne souhaitant que la mort et le silence. Soulagé, je rentrai dans les ossements.
Tout ce que j’appris d’eux, c’est qu’ils pleuraient sur Strasbourg, sur les Juifs, sur Samuel et sur la tragédie entière. Ils prévoyaient de me vendre en Égypte. Comme ils n’étaient pas magiciens, je n’étais qu’une valeur négociable.
Mon sommeil ne me parut pas long, ni ininterrompu. On m’appelait ; on m’envoyait ici et là, et je tuais ceux qui m’appelaient ; j’ai le souvenir de certains et pas d’autres. L’histoire du monde s’inscrivait sur les interminables tablettes vierges de mon esprit, une colonne après l’autre. Mais je ne réfléchissais pas ; je dormais.
Je fus, une fois, appelé au Caire par un magnifique mamelouk vêtu de soie. Je l’ai taillé en morceaux avec sa propre épée. Il fallut réunir tous les sages du palais pour me faire rentrer dans les ossements. Je me rappelle leurs somptueux turbans et leurs cris affolés. Ils étaient spectaculaires, ces soldats musulmans, ces hommes étranges qui vivaient sans femmes et passaient leur vie à se battre et à tuer. Pourquoi ne m’ont-ils pas détruit ? À cause des inscriptions qui les mettaient en garde contre un esprit sans maître qui pourrait chercher à se venger.
Je me souviens, à Paris, d’un magicien satanique fort érudit, dans une salle pleine de lumière au gaz. Le papier mural m’intriguait. Un étrange manteau noir pendait à un crochet. La vie me tentait presque. L’éclairage au gaz et des machines ; des calèches qui roulaient dans des rues pavées. Mais j’ai tué l’homme mystérieux et je me suis retiré une fois de plus dans les ossements.
J’étais toujours ainsi. Je dormais. Il me semble me souvenir d’un hiver en Pologne. D’une discussion entre deux savants. Ils parlaient un dialecte hébraïque et ils m’avaient appelé, mais ni l’un ni l’autre ne semblaient avoir conscience de ma présence. C’étaient des hommes bons et doux. Nous étions dans une synagogue sans apparat ; ils discutaient. Puis ils ont décidé de cacher ma dépouille dans le mur. Braves gens. J’ai dormi.
Je suis revenu à la vie par un beau soleil d’hiver, il y a quelques semaines. Un trio d’assassins se frayait un chemin dans la foule de la Cinquième Avenue pour tuer Esther Belkin – belle, innocente, sans le moindre pressentiment de la mort qui la guettait.
Pourquoi j’étais là ? Qui m’avait appelé ? Je savais seulement que ces assassins voulaient la tuer. Ces hommes ignobles, grossiers, drogués et stupides s’enivraient du plaisir de la tuer, dans toute son innocence. Il fallait que j’empêche cela.
Mais je suis arrivé trop tard. Vous connaissez la suite par les journaux.
Qui était cette innocente enfant ? Elle m’a vu, elle a dit mon nom. Comment me connaissait-elle ? Elle ne m’avait jamais appelé. Elle ne m’avait aperçu que dans l’étroit royaume entre la vie et la mort, où éclatent des vérités voilées.
Examinons ce meurtre : une mort comme celle d’Esther mérite quelques mots. Ou peut-être faut-il que je raconte ma prise de conscience ? Que je dise les impressions que cela m’a procurées de voir et de respirer à nouveau dans cette puissante cité, avec ses tours plus hautes que la montagne mystique de Meru, parmi des milliers de gens, bons et mauvais, alors qu’Esther était destinée à mourir.